jeudi 24 mars 2016

Rue Mustel, journal d'un technicien de la DSEM: numéro 4.

« Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement et se comprend de travers »
Prologue, ouverture, introduction, prolégomènes ou tout ce qu'on voudra (ou pas).
De nombreux managers pensent que le monde moderne divise les individus en deux catégories : ceux qui commandent et ceux qui ne commandent pas. Tous les managers pensent qu'ils appartiennent à la catégorie qui commande. Quelques uns sont toutefois assez lucides pour estimer qu'ils ne commandent rien ou si peu. Ils se divisent en deux parts inégales : ceux qui s’accommodent de cette situation et qui la vivent parfaitement, et ceux qui ne supportent pas de ne rien commander et qui s'inventent des domaines où ils s'en octroient le pouvoir. Et pour ce qui est de commander, ça commande ! Leurs domaines de prédilection sont les broutilles, les mesquineries, les enfantillages, les crises d'autorité puériles, l'interprétation stupide des textes qui ne prêtent nullement à confusion, les colères intempestives et injustifiées, les bouderies, l'expression d'une rancune parfaitement déplacée et une mauvaise foi manifeste quand ils rencontrent une indéniable vérité. Leur pouvoir a beau être infime, ils l'exercent quand même avec une force tapageuse.
« Il y a deux sortes de chefs d'orchestre : ceux qui ont la partition dans la tête et ceux qui ont la tête dans la partition. »
Qu'y-t-il dans la tête d'un chef ?
Traditionnellement, tous les légistes le disent, l'intérieur de la tête des êtres humains peut être occupé par trois choses différentes : un cerveau, du yaourt ou du vent, autrement dit, rien. La fonction sociale, dynastique ou professionnelle de l'être humain n'a aucune importance dans la physiologie : qu'il soit homme politique, artiste, manager, gardien de zoo ou technicien, seul l'un des trois éléments cités remplit l'intérieur de sa tête, ce qui a les conséquences suivantes.
La présence d'un cerveau est assez fréquente mais n'implique pas obligatoirement une forme d'intelligence. Toutes les personnes qui en sont équipées ne s'en servent pas toujours comme il le faudrait. Les scientifiques sont formels : le cerveau éteint se comporte comme du yaourt ou du vent. Il y a de plus une subtilité supplémentaire : certaines personnes munies d'un cerveau, l'ont inconsciemment éteint mais pensent quand même l'utiliser comme s'il était toujours en activité. Elles ont donc l'impression de raisonner et penser. Parfois même se sentent-elles supérieures aux autres, ce qui n'est pas le cas, vous vous en douterez.
La présence de yaourt dans la boîte crânienne est une analogie, une image, une litote. Personne n'a été à ce jour formellement identifié comme ayant du yaourt à la place du cerveau même si des fois on pourrait le croire. L'expression signifie simplement que le cerveau est éteint et qu'il ne sert pas ou fort peu. Dans ce cas, seules les fonctions basiques, très basiques, sont utilisées, et encore, à mauvais escient.
La présence de vent ou d'air à la place du cerveau est également une façon de parler. Dans ce cas, le cerveau n'est pas seulement éteint, il est atrophié et comme étouffé par des confusions mentales et sociales absurdes qui fausseront le jugement de la personne incriminée. Les dictateurs, les faux prophètes, ce qu'on désigne par « cons » et certains politiques sont atteints de ce syndrome.
« Le chef du troupeau est un animal comme les autres. »
Qu'est-ce qu'un chef ?
La première condition pour être un chef est sûrement de vouloir l’être, d’en assumer les responsabilités et la solitude. La seconde condition qui détermine la valeur d’un chef est sa capacité à se mettre lui-même au service d’une cause ou d’un intérêt commun plus grands que sa personne. Enfin, un charisme indéfinissable caractérise le grand chef, un don d’autorité et de commandement qui fait grandir ceux qu’il dirige, les révèle à eux-mêmes et contribue à les rendre meilleurs. De tels conducteurs d’hommes attirent l’admiration et forcent le respect mais il faut bien reconnaître qu’ils sont rares.
Un chef n'est chef que s'il est considéré comme tel par ses subordonnés. Il sait déléguer, reconnaître les mérites de chacun, motiver ses équipes et assurer un arbitrage clair et objectif dans la gestion des projets. Il doit être humain, à l'écoute de tous, impartial et compréhensif. Il doit connaître les règles qu'il doit faire appliquer et en user avec souplesse.
« On réussit rarement contre son patron ; on peut en revanche réussir sans lui. »
Qu'est-ce qu'un chef n'est pas ?
On rencontre plus couramment des petits chefs qui aspirent à l’exercice de pouvoirs trop grands pour eux. Ils ont des statuts de chefs, des pouvoirs légaux, mais ils sont dépourvus de vision, du don de commandement et ne bénéficient ni de la confiance ni de l’estime de ceux qu’ils dirigent. Ils sont vaniteux et abusent de leurs pouvoirs en cherchant à obte­nir des avancements par la contrainte, l’intimidation et la manipulation. »
L’identification du chef charismatique au père de famille est à l’origine de cette autorité perçue de façon négative que l’on appelle le paternalisme, parce qu’elle confond l’exercice du pouvoir et une protec­tion infantilisante, en traitant ses sujets comme des enfants, les écrasant au lieu de les faire grandir. Pire encore, il y a ceux qui écrasent et méprisent volontairement sans finesse ceux qu'ils dirigent.
Page spéciale « entretien d'évaluation. ».
« Entretien : Action d'échanger des propos avec une ou plusieurs personnes; conversation suivie sur un sujet. Évaluation : action d'évaluer, d'apprécier la valeur d'un individu, d'une chose. »
Voici venu le temps des rires et des chants, des courbettes, des politesses et des hypocrisies. Le soleil de printemps amène avec lui les notations, les entretiens d'évaluation, bref : l'aboutissement des efforts de l'année passée. Pour la plupart des techniciens, c'est une période qui compte beaucoup, et ce n'est pas qu'une image : de la notation est issu le montant de la part variable, sorte de prime au mérite annuelle versée aux agents d'un grade équivalent ou supérieur à celui de II,3. Le personnel situé en-dessous de cette frontière absurde peut travailler, dépasser ses objectifs, les pulvériser, battre des records ou ne rien faire du tout, cela n'a guère d'importance. Il reste encore de ces gens-là, j'en fais partie. Pour ma part, je ne vais pas me plaindre ou me lamenter par avance sur les résultats de l'année passée puisque j'étais en arrêt de travail en 2015. Mais voir défiler mes collègues, un par un, avec une mine de circonstance, dans le bureau du cadre m'amuse déjà.
L'entretien d'évaluation en vrai.
« L'entretien d'évaluation est un entretien qui a pour but de fixer des objectifs à atteindre au personnel pour une période déterminée, et leur évaluation pour le passé, en fonction de l'ensemble des priorités, des connaissances, de l'expérience et des comportements et aptitudes. »
Pour que l’entretien annuel d'évaluation soit bénéfique, il convient de l’aborder de façon la plus professionnelle possible. Il est conseillé de se présenter après l'avoir préparé en détail.
Cette préparation, essentielle, comporte 6 grandes étapes :
  1. Dresser un bilan de l'année écoulée (bilan global sur les réalisations en lien avec ses objectifs),
  2. Lister les principales réussites et les difficultés,
  3. Faire le point sur les compétences (maîtrise et efficacité prouvée dans telle ou telle tâche),
  4. Identifier et lister les points d’amélioration (faire preuve d'objectivité montrera votre lucidité, preuve d'une faculté de remise en question),
  5. Cibler des formations potentielles (en fonction des points d'amélioration, des domaines ou tâches qui posent problème),
  6. Définir un projet professionnel à court et moyen terme (évolution au sein de l'entreprise, responsabilités nouvelles.).
Pendant l'entretien, il est recommandé d'adopter une attitude positive et ouverte au dialogue, de se montrer force de proposition et penser « solution », de répondre aux reproches de façon constructive et d'éviter les attitudes extrêmes. Tout cela, bien sûr avec honnêteté de la part de l'évaluateur et de l'évalué. Cela, c'est ce qui se passe dans la théorie.
« La politique, c'est l'art de chercher les problèmes, de les trouver, de les sous-évaluer et ensuite d'appliquer de manière inadéquate les mauvais remèdes. »
La moulinette DSEM.
Qu'il y ait au final une prime ou non, un système évolué de points abordés détermine une note délivrée sous forme de lettre (E, B, C, A) qui correspondent, en gros à excellent, bien, bof et nul. Tout le monde ne peut pas être excellent, cela tombe sous le sens. Donc, pour calculer le ratio, la direction a mis en place, mais ce n'est pas officiel, des quotas. Les techniciens sont ainsi séparés en deux catégories : l'élite et les autres. Vous ajoutez un montant calculé en euro pour une hypothétique part variable, vous obtenez une ambiance de suspicion, de jalousie, d'envie et de convoitise, des sentiments pourtant condamnés par l’Église Catholique depuis des siècles. La société libérale et capitaliste, elle, les encourage : elle appelle ça compétitivité, un de ces concepts vicieux dont elle raffole.
La hiérarchie n'hésite pas à diffuser des plaquettes publicitaires pour convaincre les agents de l'impartialité des entretiens d'évaluation. Mais vous mettez dans un chaudron le travail d'un agent sur toute une année, des données statistiques issues d'un système d'information qui ne sait faire que recracher des chiffres, un cadre qui profite parfois de cette occasion pour vous attendre au tournant et quelques vieilles rancunes que vous croyiez oubliées, vous obtenez une bombe à retardement qui peut vous péter à la figure sans prévenir. D'où l'observation de comportements curieux de la part de certains techniciens qui, à l'approche de cet événement adaptent leur ligne de conduite pour ne pas attirer l'attention sur ce qui pourrait nuire à leur carrière. Celle qui ne mène nulle-part.
« Parvenu à son grade à coups de rengagements, de larmoiements et de platitudes, il promenait à travers la vie l'âpre conscience de sa non-valeur et sa sourde rancune d'idiot. » (Georges Courteline)
Grade et compétence ou comment la magie règle les problèmes en ce XXIème siècle.
Le titre de cet article risque de faire sourire. En effet, comment mêler dans une même phrase, sans déclencher des huées compréhensibles, les termes de grade, qui est un positionnement dans une chaîne hiérarchique, de compétence, qui correspond à un niveau de connaissance et de savoir-faire, et de magie, qui nous ramène au Moyen-Age, à l'école des sorciers de Harry Potter, voire dans les contes à dormir debout de notre enfance. La magie est encore utilisée pour régler des problèmes réglementaires à l'instar du nombre imaginaire des mathématiciens (pour rappel : i au carré est égal à -1). Cet exemple sera plus parlant. Prenons un technicien que nous appellerons P. Il possède un certain nombre de connaissances, a suivi quelques formations, a géré des projets stratégiques par le passé mais a le défaut d'être II,2. On ne peut donc pas lui faire confiance (juste l'envoyer à la médecine du travail pour déficience mentale). Supposons que monsieur P soit nommé II,3 par une notification quelconque. Ses compétences, connaissances, savoir-faire et tout le package sont les mêmes : ils n'ont pas progressé pendant le nuit. Pourtant, désormais, on peut lui confier des études, des projets et des tâches gratifiantes. Si ça ce n'est pas recourir à la magie, comment l'expliquer ?
« C'est lorsque vous voulez raccorder un ordinateur au réseau local que vous vous rendez compte que la prise est beaucoup trop loin. »
Page spéciale « Qu'est-ce que le réseau ? »
Le réseau se définit comme une trame ou une structure composée d'éléments ou de points, souvent qualifiés de nœuds ou de sommets, reliés entre eux par des liens ou liaisons, assurant leur interconnexion ou leur interaction et dont les variations obéissent à certaines règles de fonctionnement. Le réseau peut être matériel comme le réseau électrique, le réseau routier, le réseau sanguin ou le réseau lymphatique, immatériel comme le réseau social, abstrait, symbolique ou normalisé comme le réseau de tâches des méthodes d'analyse (PERT, Merise, pour ne citer qu'elles). A la Poste, comme dans de nombreuses autres entreprises, le réseau permet de relier tous les ordinateurs entre eux et de leur permettre l'échange de fichiers ou de données en interne comme vers l'extérieur. Pour beaucoup, le réseau se réduit à des câbles qui pendouillent, des prises défectueuses, du Wi-fi qui ne fonctionne pas, de l'ADSL qui bagote, des box qui grillent ou des tablettes, smartphones qui ne captent ni la 3G, ni la 4G. Il y a tellement de raisons pour lesquelles le réseau pose des problèmes de fonctionnement que personne n'y pense lorsque tout va bien. Il est vrai que désormais tout est réseau : les Facebook, Twitter, Instagram ou Flickr qui permettent à des familles, des amis ou de simples connaissances de se retrouver et d'échanger photos, messages ou nouvelles. Même le terrorisme est organisé en réseau : il n'y a qu'à regarder n'importe quel journal télévisé pour s'en rendre compte. Mais derrière ce mot, il y a des gens, parlons-en donc un peu.
« N’en appelez jamais à la « bonne nature » d’un homme. Il peut ne pas en avoir. Invoquer son égoïsme vous donne plus d’influence. »
Histoire du réseau à la DSEM.
Le réseau de la Poste a commencé avec Muse (pour Multi Service). Il utilisait un protocole de dialogue (le X25) devenu aujourd'hui obsolète mais avait le mérite de relier les équipements informatiques : depuis les ordinateurs des guichets jusqu'aux distributeurs de billets. Le réseau était le domaine réservé d'un technicien qui avait la réputation de ne diffuser aucune information. Personne n'y vit d'inconvénient jusqu'au jour où il tomba malade et qu'il n'y eut plus personne pour s'en occuper. Je fus donc désigné (moi, monsieur P) pour prendre la relève.
Je me suis donc retrouvé dans un service avec un collègue qui venait des Chèques Postaux et qui était à deux ans de la retraite (Jean-Pierre, si jamais tu me lis, je te salue) pour reprendre un flambeau au pied levé. Je l'ai repris, avec J-P d'abord puis sans lui, une fois sa retraite gagnée, j'ai connu la transformation du réseau avec le passage sur IP de tous les équipements en compagnie d'un jeune et efficace technicien aujourd'hui à l'ATM 59. Le dernier changement en date fut le déploiement massif de routeurs ADSL qui a fait économiser des centaines de milliers d'euros à la Poste.
Les hiérarques se sont succédé à la tête de l'ATM, de plus en plus méprisants et petits à petit, comme le protocole X25 des débuts, je fus mis au rebut. Le réseau existe toujours mais sans moi désormais.
« Lorsqu'un technicien recherche une panne réseau, il accuse toujours son prédécesseur dès qu'il la trouve. »
« Le mythe de l'étente à linge. »
Il y a quelques années, un technicien connu pour avoir une grande gueule et mettre l'ambiance générale à feu et à sang, avait inventé le mythe de l'étente à linge. Pour lui, le réseau ne se résumait qu'à des câbles qui pendouillaient de façon disgracieuse. Puis, par extension, tout travail accompli par mes soins, que ce soit avec des câbles ou sans, tous domaines confondus, tombait sous le couperet de ce mythe. Il en était même arrivé à me reprocher vertement (et je pèse mes mots) des travaux de sagouins dans des bureaux où je n'avais jamais mis les pieds. Ce technicien est heureusement parti couler des jours heureux dans une retraite qui a fait du bien à l'ensemble du personnel. L'ambiance générale s'en est ressentie dès le lendemain. Mais les mythes les plus stupides ont la vie dure. Il en est pour continuer à les colporter.
Un jeune technicien qui porte le même nom qu'un roi de Macédoine très connu pour avoir conquis une bonne partie du bassin méditerranéen a remis le mythe de l'étente à linge au goût du jour mais comme le barde des aventures d'Astérix, il chante faux et il a la mémoire courte. Ce brave petit peut dire ce que bon lui semble, je ne lui en veux pas : il ne fait que sacrifier à une mode fort connue dans la société humaine, le dénigrement du travail d'autrui. Comme disait un auteur du grand siècle ; « la critique est aisée mais l'art est difficile. »
« Si vous recueillez et aidez un chien affamé, il ne vous mordra pas. C’est la principale différence entre l’homme et le chien. »
Leçon de morale : « tu cracheras sur ton prochain. »
La nature humaine est une chose fascinante, une source inépuisable de médiocrités aussi diverses que variées. Tout le monde connaît quelqu'un qui pense qu'il est le seul à bosser et que tous les autres se la coulent douce. Quelqu'un qui est persuadé que ailleurs les choses sont plus belles, l'herbe plus verte, le travail plus gratifiant et les salaires meilleurs. Quelqu'un qui s'imagine que les choses allaient bien mieux avant, sans préciser ce à quoi correspond ce avant. Quelqu'un qui laisse entendre que les conneries et autres boulettes sont commises directement par son entourage, peut-être vous ou même moi. Bref, un vantard avec l'esprit de Caliméro. Une autre manie du genre humain est d'avoir deux discours à propos de certains collègues : l'un en leur présence, l'autre derrière leur dos. Les contenus ne sont pas du tout les mêmes, vous vous en doutez. Par exemple, on dira devant un technicien qu'il a fait partie du service réseau et derrière qu'il y a fait un boulot de merde. Pour accentuer le côté grotesque, façon vaudeville, sans doute pour exprimer de façon biscornue une sorte de reconnaissance, celui qui proférera ces traits d'esprit aura fait partie lui aussi du réseau et se sera arrangé pour dépouiller celui qu'il dénigre de ses activités pour les reprendre à son compte. Moralité : il existe une manière de dire en bien énormément de mal de son prochain.
« Machination. Méthode employée par un adversaire pour faire échouer nos propres honorables efforts vers un objectif clair et estimable. »
Bluette technique.
Comme tous les ans, lors des entretiens d'évaluation, notre N+1 (cette équation qui n'a pas de résultat : on ne dit jamais N+1=quelque chose, ou rien) se creuse la cervelle, fouille dans les circonvolutions de sa boîte crânienne ou s'essore les méninges pour débusquer parmi les idées farfelues qui peuplent son univers de cadre technique quelques objectifs qui correspondent à quelque chose de réalisable. La tâche n'est pas facile, croyez-moi, j'ai assisté à une séance de brainstorming en direct et j'ai cru que la machine allait se gripper ou s'emballer. On a frôlé le ridicule à quelques angströms près. Atteindre des objectifs, c'est bien ; mais les dépasser, c'est mieux. C'est ce qu'on nous chante depuis des années. Mais comment voulez-vous dépasser des objectifs en réparant des machines en panne ? Vous en dépannez plus qu'il n'y en a ? Pensez au cas du croque-mort à qui on demanderait la même chose : doit-il tuer des gens pour gonfler ses chiffres ? Non ! Dans les métiers techniques, c'est pareil. Il n'y a guère que dans les déploiements que la chose est possible encore que cela ne concerne que le manager. C'est quand même lui qui donne le travail : ce sont donc ses propres objectifs. Il y a une subtilité supplémentaire pour un technicien II,2 : qu'il réalise ou non ses objectifs, qu'il les dépasse, les pulvérise ou qu'il s'en moque éperdument, le résultat sera le même : pas de part variable à la clé. Autant rester zen, non ?
« Si à la Saint Gaston, les gens sont cons, à la Saint Victor, ils le seront encore. »
La météo des services.
La volonté de notre chef a toujours été de casser le principe de services et de faire de la polyvalence l'instrument qui lui permettrait de parvenir à ses fins. Pourtant, depuis que la maintenance est arrivée rue Mustel, force est d'avouer que son projet, aussi louable soit-il au départ, est un fiasco complet. En effet, les techniciens sont séparés sur deux étages et dans trois locaux bien distincts. Le cloisonnement est encore plus prononcé qu'avant, le dialogue tend même à complètement disparaître et pire encore, le Directeur de Territoire, qui combattait le principe, semble s'en accommoder. Pour preuve, nos collègues informaticiens, logés dans un espace à part, ont leur propre cafetière, chose qui aurait été inconcevable lorsque nous étions encore rue Nétien. Puis il y a une pièce, perdue au tréfonds des bâtiments, à fond de cale, pourrait-on dire, dans laquelle on a flanqué les deux personnages dont on ne savait que faire. La pièce en question est assez vaste, encore heureux, mais elle est éclairée par deux fenêtres, des soupiraux devrais-je dire, avec vue sur le ciel. Les deux vilains techniciens qui y errent sont-ils voués, le regard vers des cieux que l'immeuble voisin occulte en partie, à attendre une divine apparition ? Même la 3G a du mal à passer : les synchronisations de l'application Touareg se font deux fois sur trois et encore, avec bien du mal. Seul le téléphone parvient encore à sonner quand on a besoin d'eux.
« Le rassemblement des citoyens dans des organisations, mouvements, associations, syndicats est une condition nécessaire au fonctionnement de toute société civilisée bien structurée. »
Le chef et les syndicats.
Rue Mustel, le Directeur de Territoire n'aime pas les syndicats, les syndiqués non plus, surtout ceux qui osent opposer à ses discours souvent approximatifs un avis contraire. Mystérieusement, les techniciens qui correspondent à ce profil sont dans le filtre anti-spams de son client de messagerie, ou, si ce n'est pas le cas, ça y ressemble drôlement. Trois techniciens, d'un même syndicat, font l'objet d'une campagne sournoise de dénigrement. Ils osent pointer du doigt les choses qui ne vont pas et ils défendent ceux qui vivent des situations difficiles. Un comble, en somme. Mais je voudrais dire que le syndicalisme n'est pas un obstacle ou un mur qu'on dresse entre la hiérarchie et les techniciens, même si parfois, la tentation est grande et les raisons de le faire parfaitement justifiées. Le syndicalisme est fait pour établir un dialogue, de préférence constructif, sur des bases saines, honnêtes et franches. Encore faut-il que les deux parties respectent ces règles élémentaires. Le Directeur de Territoire ne l'entend pas de cette oreille, de l'autre non plus. Il préfère jouer les victimes ou se plaindre. Si j'avais un mouchoir, je crois que je verserais une larmichette de compassion. Comment peut-on empêcher quelqu'un de faire n'importe quoi parce que ça l'arrange ? Les syndiqués ne sont vraiment pas drôles !
« Les portes de l'avenir sont ouvertes à ceux qui savent les pousser. »
Paralipomènes périphrastiques.
Il y a quelques expressions qui sont assez comiques ces derniers temps à la DSEM : avenir, carrière, projet professionnel ou perspective (de tout ce qu'on voudra). Consulter l'horoscope serait plus fiable que n'importe quel projet de réorganisation pour déterminer de quoi demain sera fait. L'évolution de carrière dont on nous parle sans rire lors des entretiens d'évaluation est une vaste farce : déjà passer de II,2 à II,3 est insurmontable, gravir l'Everest à cloche-pied serait plus aisé. Le pire c'est que nos managers s'imaginent qu'ils sont capables de nous faire gober de telles sornettes. Faut-il qu'ils soient naïfs ou complètement aveugles. Je vais essayer l'Himalaya, non ?
Sommaire du prochain numéro : autrement dit, ce que vous aurez peu de chance d'y lire.
Personne rue Mustel ne se soucie plus des aléas politiques de la Roumanie depuis que le technicien roumanophile est parti. Les dernières informations connues concernaient un possible retour du roi et l'établissement d'une monarchie constitutionnelle. Le sujet a beau être aussi intéressant que surprenant, il ne sera malheureusement pas abordé dans le prochain numéro. La rue Mustel n'y passe pas.

mercredi 16 mars 2016

Rue Mustel, Journal d'un technicien de la DSEM: Numéro 3.

« C'est toujours le formateur qui en sait le moins qui sera désigné pour vous enseigner ce qu'il ne sait pas. »
« L'homme vain fait naître le ridicule qu'il redoute, et le colérique s'avilit par orgueil. »


« Quand un fou paraît tout à fait raisonnable, il est grand temps, croyez-moi, de lui mettre la camisole. »
Petite mise-en-bouche...
Le petit monde de la technique postale est encore principalement masculin même si, ces derniers temps, des techniciennes ont été recrutées. Il ne faut pas se faire d'illusion, si la gente féminine fait son entrée, certes encore timide, dans les ateliers de maintenance, ce n'est pas pour une histoire de parité : c'est pour faire plaisir à ces messieurs. A Rouen, le Directeur de Territoire a recruté la première technicienne en 2014 et une deuxième l'année suivante. En septembre de l'année dernière, une étudiante en formation par alternance est arrivée rue Mustel. Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut entrer dans l'esprit d'un technicien mâle et imaginer quel fantasme peut se former lorsqu'il entend l'expression « jeune étudiante » : il voit Claudia Schiffer, Naomi Campbell ou Laetitia Casta. Or, ladite étudiante n'entrait pas dans le moule que ces messieurs les techniciens avaient souhaité. Adieu donc Claudia, Naomi, Laetitia ! Quand le personnel déconne, et je pèse mes mots, le rôle des cadres n'est-il pas de rectifier les situations qui partent en sucette ? Et bien là, non. Peut-on parler dans ce cas précis de discrimination ? On pourrait ! Que faire dans une situation où le chef semble être de mèche avec une partie de son personnel ? Soutenir cette étudiante qui n'a pour seul bagage que des connaissances qui ne demandent qu'à être valorisées et sur lesquelles des cons machistes marchent sans vergogne. « On va vous faire aimer l'an 2000 » disait-on jadis...


Le tutorat, en vrai.
« Le tutorat est une relation formative entre un enseignant, le tuteur, et un apprenant, une personne (ou un petit groupe de personnes) en apprentissage. Il se distingue de l'enseignement classique impliquant professeurs et élèves par une formation individualisée et flexible. Le tuteur n'a pas forcément toutes les connaissances que doit maîtriser l'apprenant au terme de sa formation car son rôle n'est pas d'apporter des réponses aux problèmes posés mais de guider l'apprentissage. »
Le rôle du tuteur est une mission généralement prise à cœur par l'intéressé. Investi d'une responsabilité managériale, il en retire très souvent une motivation d'évolution personnelle.
Les missions du tuteur en alternance:
  • assurer des conditions optimales d'intégration dans l'entreprise (accueil, présentation, planning, informations...),
  • participer activement à la formation initiale (organisation de l'équipe, répartition des rôles, méthodes de l'entreprise, connaissances produits...),
  • motiver et stimuler,
  • assister et conseiller dans l'ensemble des activités,
  • responsabiliser de façon progressive et selon les potentiels,
  • évaluer la dynamique de progression et agir en conséquence,
  • s'informer de la progression pédagogique et du bon déroulement de la formation...
Le tuteur dans le contrat de professionnalisation :
  • Le tuteur a pour mission d’accueillir, d’aider, d’informer, de guider le salarié, et de veiller au respect de son emploi du temps.
  • Il assure la liaison avec l’organisme ou le service de formation chargé de mettre en œuvre les actions de professionnalisation et participe à l’évaluation du suivi de la formation.
L’employeur désigne un salarié de l’entreprise. Il doit :
  • être volontaire ;
  • justifier d’une expérience professionnelle dans la qualification en rapport avec l’objectif de professionnalisation visé.


Le tutorat, rue Mustel.
« Dans le monde agricole, un tuteur est une armature soutenant une jeune plante ayant fait l'objet d'un tuteurage. »
A Rouen, le Directeur de Territoire est un original : il prend des décisions qui surprennent tout le monde ou qui ne répondent pas à une logique même élémentaire. Pour la nouvelle étudiante inscrite au CESI de Mont-Saint-Aignan, il a choisi le maître de stage le moins adapté. Etait-ce intentionnel ou non ? Personne n'a encore pu percer le mystère.
Le tuteur choisi pour accompagner notre victime pour les deux prochaines années, quoique fort sympathique, est un spécialiste de la sûreté. C'est un domaine qu'il maîtrise bien mais c'est le seul. Pour ce qui est de l'informatique, il le dit lui-même, ce n'est donc pas un scoop, il n'y connaît pas grand chose, pour ne pas dire rien du tout. Son domaine d'activité principal est effectivement assez chargé pour qu'il n'ait pas à s'encombrer d'un second qui ne l'intéresse de toute façon pas. Mais c'est là que le bât blesse. La stagiaire n'a que faire de la sûreté, matière qui ne figure pas à son programme. N'importe quel nigaud remarquerait alors qu'une légère erreur d'appréciation a été commise et que la moindre des choses serait de rectifier le tir. Or à Rouen, les choses ne se passent pas comme ça.
Si on creuse un peu, trouver un tuteur plus adapté n'est pas chose aisée : entre ceux qui n'ont pas le grade voulu et ceux qui ne sont pas volontaires parce que la petite étudiante ne ressemble pas à la photo ci contre, il ne reste plus grand monde. Encore faut-il trouver, dans ce qui reste, le bon candidat. Il n'y a pas de honte à reconnaître son erreur, bien au contraire. S'y enfoncer ne peut avoir que des conséquences fâcheuses pour tout le monde. C'est pourtant l'option retenue par le Directeur du Territoire. Si quelqu'un est capable de m'expliquer pourquoi il préfère passer pour un imbécile, je suis prêt à écouter ses arguments.


Le mensonge comme arme de management massif.
« Le mensonge est une forme de manipulation qui vise à faire croire ou faire faire à l'autre ce qu'il n'aurait pas cru ou fait, s'il avait su la vérité. »
Le mensonge, ce n'est pas seulement le contraire de la vérité : les choses seraient trop simples. Un bon mensonge doit d'abord avoir toutes les caractéristiques de la vérité et ne pas éveiller les soupçons de ceux à qui il s'adresse. Il peut être soit une altération de la vérité, ou son exact contraire, soit une invention pure et simple. Le mensonge est généralement invérifiable puisque ce qu'il prétend ne repose pas sur des faits, des événement ou des informations existantes. On peut toutefois percevoir le mensonge lorsque des éléments viennent contredire son énoncé. Un mensonge repose sur du faux, de l'inexact, de l'approximatif ou de la fiction. Il ne peut donc s'expliquer, se justifier ou s'affirmer que par un autre mensonge. Un menteur n'avouera jamais qu'il ment même si les preuves de sa forfaiture lui son mises sous les yeux : il répétera ses propos, leur apportera mêmes des précisions, haussera le ton, fera usage de son grade pour imposer ses vues, et se réfugiera dans cette ultime pirouette qu'est la mauvaise foi. Il prétendra alors que la vérité qu'on lui oppose n'est qu'une interprétation et qu'il ne cautionne pas. Le menteur est comme le chef, il veut toujours avoir le dernier mot.


Oui, il faut mentir.
« Le mensonge se définit couramment comme une parole différente de la pensée de celui qui l’énonce. Le mensonge est donc avant tout mauvaise foi. »
Le mensonge est partout : dans la vie familiale et quotidienne, en politique, en économie et en entreprise. Nous en côtoyons toutes les formes : du plus bénin au plus grave, en passant par le mensonge pieux, le mensonge par omission et ainsi de suite. Pourquoi s'en offusquer puisqu'il nous environne depuis le berceau : souvenez-vous du Père Noël qui était supposé vous apporter vos cadeaux. C'est simple : par moment, il devient intolérable. C'est quand votre manager transpire le mensonge que vous ne le supportez plus. Le collaborateur ment autant que son manager mais pas sur les mêmes sujets : le collaborateur gonflera ses chiffres, enjolivera ses interventions, gonflera ses heures pour que le tout cadre avec les attentes du système informatique tandis que le manager aménagera la réglementation pour léser certains ou récompenser d'autres.
En règle générale, le mensonge est utilisé pour minimiser les incidents, arranger les événements pour qu'ils puissent entrer dans le moule imposé soit par la hiérarchie, soit par le système d'information. De cette manière, les résultats et les chiffres obtenus ne sont pas tout à fait vrais mais pas tout à fait faux non plus. On obtient alors une sorte d'équilibre qui satisfait tout le monde. Cet équilibre est instable et ne demande qu'à vaciller. Les projets de restructuration de la hiérarchie et les revendications des syndicats, forcément contraires, sont les pistons qui secouent l'édifice. Le vainqueur est toujours celui qui a un mensonge d'avance. Je vous laisse deviner qui il est même si l’énigme est facile à résoudre.
Les cadres qui se croient supérieurs alors qu'ils ne sont que des passe-plats, mentiront sur ordre ou par goût afin de faire gober au personnel les messages du siège. Le personnel fera de la résistance comme il le pourra, en vain.


Non, ne mentez pas.
Une paix sociale durable ne peut s'établir que sur des bases solides. Non, le monde n'est pas divisé en deux : ceux qui dirigent et décident de tout, contre ceux qui obéissent et se taisent. La société est un ensemble et cet ensemble doit trouver un équilibre en respectant quelques règles élémentaires :
La transparence : Qualité d'une personne dont les pensées et les sentiments sont faciles à comprendre, à deviner. Qualité d'une institution qui informe complètement sur son fonctionnement, ses pratiques.
L'honnêteté : Qualité de celui qui est fidèle à ses obligations, à ses engagements, qui ne cherche pas à tromper; qualité de ce qui est fait en respectant les engagements pris, sans tromperie.
La franchise : qualité d'une personne qui parle et agit ouvertement, sans dissimulation, comme elle pense.
L'équité : sentiment de justice naturelle et spontanée, fondée sur la reconnaissance des droits de chacun, sans qu'elle soit nécessairement inspirée par les lois en vigueur.
La solidarité : sentiment de responsabilité et de dépendance réciproque au sein d'un groupe de personnes qui sont moralement obligées les unes par rapport aux autres. Ainsi les problèmes rencontrés par l'un ou plusieurs de ses membres concernent l'ensemble du groupe.
L'intérêt général : ensemble de valeurs, d'objectifs qui sont partagés par l'ensemble des membres d'une société. Il correspond aussi à une situation qui procure un bien-être à tous les individus d'une société.
Les hiérarques de la DSEM ont pris l'habitude de prendre les techniciens pour des imbéciles incultes, ignares et incapables de comprendre les enjeux économiques. Sur un terreau de cette nature, les mensonges germent facilement.


Manager, menteur.
« La mauvaise foi désigne l'attitude ou le comportement de celui qui manque de loyauté envers autrui, notamment dans le cadre d'une relation contractuelle. La mauvaise foi s'apprécie tant en matière de négociation qu'en matière d'exécution du contrat. La notion de mauvaise foi s'oppose directement à celle de bonne foi prévue à l'article 1134 alinéa 3 du Code civil. Lorsqu'elle est démontrée, la mauvaise foi peut exposer son auteur au versement de dommages et intérêts au titre de la compensation du préjudice subi. En revanche, elle ne dispense généralement pas le cocontractant qui l'invoque du respect de ses obligations contractuelles. »
Le Directeur de Territoire doit avoir eu une formation particulière pour aménager la réglementation à sa convenance. Il n'hésite pas à la détourner voire à l'inventer de toute pièce plutôt que de se renseigner. Le cas du tuteur de stage cité en page précédente en est une illustration évidente. Nous aurons l'occasion d'y revenir. C'est certain !


« Les Schtroumpfs est une série de bande dessinée belge créée par Peyo en 1958 racontant l'histoire d'un peuple imaginaire de petites créatures bleues logeant dans un village champignon au milieu d'une vaste forêt. Les seize premiers albums ont été créés par l'auteur original. »
Une Agence de Maintenance, un vrai village schtroumpf.
Tout le monde connaît ces petits personnages bleus dont les aventures ravissent les enfants. Les adultes se détournent généralement de ces histoires parce qu'ils les trouvent simplettes mais ils ont tort. La forêt enchantée où vivent ces petits personnages n'est qu'un reflet parmi tant d'autres du monde des adultes. La société schtroumpf est, à l'exception de la schtroumpfette arrivée tardivement, essentiellement masculine. Elle possède un nombre impressionnant de corps de métiers et est dirigée par un chef, tout de rouge vêtu, et d'un intermédiaire bigleux qui ne sait rien décider par lui-même et qui fait constamment référence aux propos de son maître. Il ne faut pas oublier le vilain Gargamel qui incarne à lui seul tous les travers de la société moderne occidentale à commencer par la structure capitaliste et libérale de notre monde. Cet homme en noir ne rêve-t-il pas constamment d'asservir ces petits êtres bleus, à l'aide de réformes économiques, d'un nouveau code du travail et divers traquenards ? Et que penser de son fidèle compagnon, un chat qui porte un nom de démon biblique, animal qui a la réputation d'être fourbe ? Relisez leurs aventures où la cueillette de la salsepareille prend la forme d'un quête d'un idéal inaccessible et vous verrez qu'à défaut d'être Charlie, nous pouvons tous être des schtroumpfs confrontés d'une minute à l'autre à la mesquinerie, la jalousie et la convoitise de ces collègues qu'on croyait pourtant bien connaître.


Qui est le Grand Schtroumpf ?
Les schtroumps vivent dans des champignons, ce qui n'est pas innocent. Ils ont un chef qu'ils n'ont manifestement pas choisi ni élu. Il était là avant, il sera là après, ce qui semble être sa seule raison d'être. Il est une sorte d'arbitre, de juge, de manager qui ne se distingue de ceux qu'il accompagne de son apparente bienveillance que par la couleur de sa tenue et une barbe : un grade et une ancienneté qui lui permettent d'avoir un ascendant sur les autres. Sa présence donne aux aventures des allures de morale telle qu'on l'enseignait dans les écoles de la Troisième République, son absence déclenche des cataclysmes sociétaux qui ne sont pas sans rappeler certaines campagnes électorales corrosives. Tout cela, c'est dans les aventures pour enfants.
Dans notre réalité, le Grand Schtroumpf n'a qu'un grade d'opérette qu'il agite devant ses ouailles pour indiquer que c'est lui le chef. Il pense être investi d'un pouvoir alors qu'il n'est qu'un souffleur de théâtre, un perroquet qui reproduit bêtement les ordres que ses supérieurs lui transmettent. Pour cela, il communique, il organise des réunions et des groupes de travail. Mais il n'a pas bon caractère, il peut même être acariâtre, rancunier et vicieux. Il n'aime pas ceux qui parlent plus fort que lui, ceux qui démontrent le contraire de ce qu'il dit, ceux qui contestent les règles qu'il accommode à son bon vouloir. Il use de bassesses et de mesquineries : c'est un gamin, un sale gosse : l'enfant-roi sans couronne.


Qui est le Schtroumpf à lunettes ?
Que ce soit dans les aventures des petits êtres bleus ou dans la réalité, dans toutes les équipes il y a un schtroumpf à lunettes. C'est un individu qui n'est pas chef, il aimerait pourtant bien l'être, il n'en a pas la carrure, même s'il en est persuadé, il regarde tout le monde de haut, c'est pour cela qu'il a des lunettes, il veut tout régenter mais n'y parvient que rarement. Il se prend pour un intermédiaire entre le monde d'en-bas formé par la piétaille, et celui d'en-haut où commence l'illusion du pouvoir. Il se dit cadre mais personne ne sait pourquoi. Lui le sait, mais personne n'en est convaincu. Il cite toujours le chef comme s'il y puisait sa légitimité, le remplace quand il n'est pas là, possède le pouvoir de signer des documents de premier ordre et tire vanité et orgueil de sa position.
Toute la journée, il gère des actions dans des fichiers compliqués faits de cases qu'il agence comme un puzzle, il fait des plannings remplis du vide qu'on ne trouve ordinairement que dans les tréfonds de l'univers, connu et inconnu, mais ne connaît que deux mots : maintenance et déploiement. Il communique beaucoup, au téléphone uniquement, avec des responsables qui lui disent ce qu'ils veulent. Il note tout sur un cahier, dans le désordre et ne s'y retrouve jamais quand il a besoin d'un renseignement. Il se dit encadrant technique mais il ne sait pas encadrer et ne comprend pas toujours ce qui est technique. Qu'il soit là ou non, les choses marchent de la même manière. Alors pourquoi ne pas s'en passer, hein ?


Le pays des schtroumpfs dans sa version de maintenance technique.
Voici quelques uns des caractères que l'on peut trouver dans les ateliers de maintenance (en général). Ils peuvent s'associer, se cumuler, s'additionner et même s'annuler. Les combinaisons sont infinies.
Le costaud : il se croit bien plus fort qu'il n'est et finit toujours par se briser le dos à vouloir en faire trop. Le bricoleur : il ne maîtrise aucun domaine mais il touche à tout. C'est ça qu'ils appellent la polyvalence. Le distrait : il se rend quelque part pour une intervention alors que c'est la ville voisine qui est en panne. Le gourmand : il accumule les interventions pour faire des heures supplémentaires et gagner plus de sous. Le grognon : c'est un II,2. Il n'est jamais content de son sort et il ne cesse de le dire. Le paresseux : il s'arrange pour en faire le moins possible, perd du temps à discuter sur tout. Le casse-couille : il rencontre des problèmes qu'il ne peut régler seul et demande sans cesse de l'aide. Le grande-gueule : il ne peut s'empêcher de faire toutes sortes de commentaires lors des réunions techniques. Le bêta : il ne sait jamais s'il va savoir faire les choses qu'on lui demande et préfère que les autres s'en chargent. Le prétentieux : il accumule les interventions pour être bien vu mais ne fait jamais tout ce qu'il dit. La schtroumpfette : elle est une espèce rare et protégée, sauf quand les mâles en ont décidé autrement. Elle a les mêmes qualités que ses collègues mais aussi leurs défauts (y a pas de raison, non plus!). La liste ne s'arrête pas là : les petits êtres bleus, tout comme les techniciens, ont bien d'autres qualités et défauts : nous aurons l'occasion d'y revenir, rassurez vous.


« La qualité la plus importante chez un chef, c'est sa capacité à s'attribuer le mérite des choses qui se font toutes seules. » (Scott Adams, le principe de Dilbert)
Napoléon le très petit.
Que peut-il ? Tout. Que fait-il ? Rien ou si peu. Il a pris la Maintenance et n'en sait rien faire. On croirait pourtant qu'il se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décide ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide. L'homme est un carriériste. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir mais il commet des fautes. Il a des caprices, il faut qu'il les satisfasse. Quand on mesure l'homme et qu'on le trouve si petit et qu'ensuite on mesure le succès et qu'on le trouve énorme, il est impossible que l'esprit n'éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la Maintenance, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l'insulte et la bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l'absurde, d'un homme médiocre échappé.
(Ce texte est une adaptation de « Napoléon le petit » de Victor Hugo, issu de « l'histoire d'une crime » paru en 1852)


Les règles d'or du chef.
Règle n°1. Le Chef a toujours raison.
Règle n°2. Les techniciens ont toujours tort.
Règle n°3. Tout ce que dit le chef est forcément vrai.
Règle n°4. Le chef sait toujours tout mieux que tout le monde.
Règle n°5. Les idées du Chef, même stupides, sont toujours bonnes.
Règle n°6. Si un technicien a une bonne idée, elle devient automatiquement celle du Chef.
Règle n°7. On entre dans le bureau du Chef avec ses idées personnelles, on en ressort avec les idées du Chef.
Règle n°8. Le Chef n'est jamais en retard, il a été retenu ailleurs.
Règle n°9. Le Chef ne quitte jamais son service, il a une réunion à l'extérieur.
Règle n°10. Le Chef ne lit jamais son journal pendant le service, il s'informe pour protéger l'entreprise des attaques de la concurrence.
Règle n°11. Le Chef a le droit d'être de mauvaise humeur et d'insulter les techniciens, c'est à cause de son stress de Chef et des mauvais chiffres de la qualité de service.
Règle n°12. Le Chef reste le Chef, même en pyjama.
Règle n°13. Plus on critique le Chef, moins on a de primes.
Règle n°14. Le Chef est obligé de penser pour tout le monde : il est le seul à avoir une vision de l'avenir.
Règle n°15. Le chef interprète les règlements à sa guise.


« Que toute loi soit claire, uniforme et précise : l'interpréter, c'est presque toujours la corrompre. » (Voltaire)
« Quand les lois sont obscures, les juges se trouvent naturellement au-dessus d'elles, en les interprétant comme ils veulent. » (Rivarol)
La DSEM, les managers et la réglementation.
En France, c'est hélas une constatation, les gens veulent bien des lois mais ils préfèrent qu'elles s'appliquent aux autres. Dans les grandes entreprises, les groupes bancaires ou industriels une manie est souvent observée : l'interprétation fort curieuse de la loi et des réglementations au détriment du personnel, de l'environnement, de la société ou même de leurs clientèles. La Poste n'échappe pas à ce principe puisqu'elle se fait régulièrement épingler par la presse pour des manquements liés aux contrats de travail. La DSEM faisant partie de la Poste, même si fort peu de gens le savent, se rend également coupable de ce travers. Dans ce cas, c'est à la fois plus subtil, mesquin, de mauvaise foi, souvent par ignorance et tout le temps par vanité ou orgueil. En effet, le petit chef de rayon que la terminologie managériale a bombardé Directeur de ci ou de ça, ne possède pas d'autre pouvoir que celui de faire appliquer le règlement intérieur à ses équipes. Mais tout cela est prodigieusement ennuyeux, sans intérêt sauf si on prend quelques libertés et qu'on se met à tout interpréter. Là, les choses deviennent redoutables entre les mains d'un schtroumpf qui se prend pour Napoléon. Les personnages les plus insignifiants peuvent devenir des despotes que le ridicule finit toujours par faire vaciller. Heureusement pour nous !


« Quelques rares personnes côtoient le sublime, d'autres en voulant les imiter ne parviennent qu'à se vautrer dans le ridicule. Du sublime au ridicule, il n'y a qu'un pas, faites attention où vous mettez les pieds. »
Où il faut donner une conclusion, toute provisoire, à un numéro 3.
La vanité et la crainte du ridicule sont les traits les plus saillants du caractère français. C'est étrange, à coup sûr, la vanité étant neuf fois sur dix la source du ridicule. La vanité est le caractère d'une personne satisfaite d'elle-même et qui étale complaisamment son plaisir de paraître. Ce mot est tiré de l'adjectif vain qui signifie vide, dépourvu de réalité et de sérieux, sans effet, inefficace, futile. Le vaniteux sera donc un individu qui comblera son manque de compétence par l'exercice d'un pouvoir qu'il ne maîtrise pas.


Au sommaire du prochain numéro (peut-être ou peut-être pas).
Le management n'est pas une science exacte, c'est bien connu mais tous les managers n'en ont pas conscience. Certains même ne savent rien, sont aux commandes et s'estiment indispensables. Pourquoi alors, quand ils ne sont pas là, les choses marchent-elles bien mieux ? Vous le saurez dans le numéro 4 de ce périodique, à moins que je ne vous en apprenne d'autres. Sait-on jamais !

jeudi 3 mars 2016

Rue Mustel, Le journal d'un technicien de la DSEM, Numéro 2.

« Un cadre incompétent peut retarder les projets de plusieurs mois, un cadre compétent peut carrément les oublier. »



« Tout protégé de la Direction plongé dans une entreprise subit une poussée de bas en haut au moins égale au volume d’incompétence déplacé. »
(Bruno Masure)
Compétence et incompétence.
Le mot le plus couramment employé dans les entreprises n'est pas flexibilité, qui est une abomination, surtout dans la bouche du grand patronat, mais compétence. Ce mot magique, si on écoute bien ce que disent les cadres, ces perroquet qui ne font que répéter les ordres qui viennent d'en-haut, est le remède à tous les maux : c'est grâce à elle que le monde sera sauvé. Mais, car il y a toujours un mais, la compétence est comme le grand capital : il faut sans cesse la développer, l'augmenter, la faire fructifier, l'accommoder, la triturer, la pétrir. On fait miroiter au salarié, quelle que soit sa nature, des perspectives de carrière qui ne viennent en fait jamais, on lui promet monts et merveilles dont il ne voit jamais le début et, surtout, on lui bourre le crane avec des sornettes toutes plus incroyables les unes que les autres. Il faut se rendre à l'évidence, ce n'est pas la compétence qui guide les entreprises mais la jalousie, l'envie, une compétition factice et surtout : l'incompétence.
Qu'est-ce que la compétence ?
« La compétence est une qualification professionnelle.
Elle se décline en savoirs (connaissances), en savoir-faire (pratiques) et en savoir-être (comportements relationnels) ainsi qu’en des aptitudes physiques.
Elle est acquise, mise en œuvre ou non sur le poste pour remplir les tâches qui sont attendues. Elle se distingue en cela du potentiel qui serait une "compétence en devenir". »
La compétence est donc un ensemble de critères définis et quantifiables qui permettent à un individu d'exercer correcte-ment ou non une liste de taches pour lesquelles l'entreprise le rémunère. La compétence peut également permettre à tout salarié de gravir les échelons de la hiérarchie. Mais pour contrecarrer les effets de la compétence, le cadre a inventé la mesquinerie.
Qu'est-ce que l'incompétence ?
L'incompétence est généralement définie comme un manque de compétence. Les deux mots seraient donc contraires, ce qui serait trop facile.
Il est amusant de constater que l'incompétence touche les couches supérieures de la hiérarchie qui commence par ce qu'on appelle le N+1. Le salarié N ne saura pas faire, n'aura pas les connaissances ou le savoir requis. Il faudra donc lui faire acquérir les compétences qui lui manquent. A partir du N+1, les choses se gâtent : là , le salarié ne sait pas faire les choses ou il les fait mal mais il les fait quand même. Cette situation est d'autant plus cocasse qu'un facteur supplémentaire vient fausser la donne : le grade. Et là, tout se mélange irrémédiablement. On ne juge plus l'aptitude d'un individu à occuper un poste, on lui confère un grade souvent insignifiant pour justifier sa nomination.
Le principe de Peter.
Son énoncé est le suivant : « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence », avec pour corollaire que « avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité. »
On comprend donc que, parvenu à ce niveau, l'incompétence entrave l'exercice de la compétence. Tous ceux qui ont, au moins une fois, travaillé de manière dépendante, se retrouverons dans l'étude de ce principe soit comme travailleur subissant l'incompétence, soit comme incompétent (ça, c'est plus dur à admettre), voire les deux !
Si le management était confié à des hommes qui en avaient vraiment les capacités, les cafouillages seraient moins nombreux et les actions plus cohérentes. Malheureusement, les managers sont recrutés pour obtenir des résultats et dans les hautes sphères, on se fiche pas mal des méthodes employées pour y parvenir.
Le principe de Dilbert.
Son énoncé va plus loin que celui de Peter : « Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : ceux de managers. »
Si le principe de Peter garantissait qu'un dirigeant incompétent serait compétent s'il occupait le poste d'un de ses subordonnés, dans une entreprise dilbertienne au contraire, les dirigeants sont ceux qui étaient les plus nuls aux postes subordonnés.
En particulier, ils ne comprennent rien à la technologie et manquent de sens commun dans les cas les plus graves.
Réciproquement, les employés les plus compétents ne sont en aucun cas promus, car irremplaçables à leurs postes actuels, dans une logique contraire à celle du principe de Peter.


La compétence, décryptage.
La compétence est un « savoir agir » avec pertinence dans un contexte donné en choisissant et mobilisant un ensemble de ressources : connaissances, savoir-faire, qualités. Autre-ment dit, un ensemble de ressources cognitives (ou de combinaisons de savoirs, savoir-faire, schèmes d’actions…) mobilisées pour faire face à une famille de situation-problèmes (réaliser des tâches complexes, résoudre des problèmes, réaliser un projet). La compétence est aussi la capacité à s’adapter d’une manière nouvelle et non stéréotypée à des situations inédites.
Compétence est un mot qui change de sens selon qu'il est masculin ou pluriel. Le masculin lui confère une note presque juridique, comme une sorte d'habilitation, le pluriel sous-entend la possession de connaissances spécifiques. On dira par exemple : « je n'ai pas la compétence requise pour diriger ce service » et « le technicien a besoin de compétences spécifiques pour exercer son métier ». Les choses se compliquent selon le niveau occupé dans la hiérarchie de celui qui utilise ce mot. Dans ce cas, il peut absorber tout un tas de notions annexes et pas toujours logiques. D'ailleurs, pour s'y retrouver, les hiérarques haut placés diffusent régulièrement des dictionnaires des compétences qui peuvent être techniques, managériales ou comportementales. On notera au passage que les compétences d'un salarié sont jugées, lors de l'entretien d'évaluation annuel, par un supérieur hiérarchique qui n'en connaît au mieux que des bribes. Les compétences du salarié se transformeront en un baromètre qui servira à l'évaluateur à promouvoir ou écraser son interlocuteur selon son humeur, son bon plaisir ou le mépris qu'il éprouve à ce moment-là.
L'aptitude.
Aptitude : disposition organique et fonctionnelle d'un animal d'élevage qui le rend plus propre à tel emploi, à telle nature de services ou de produit qu'à telle autre.
Toutes les personnes qui ont une fonction hiérarchique ont la fâcheuse manie de considérer les salariés qui opèrent sur le terrain comme du bétail. Pour désigner les personnes qui font tourner les entreprises, on ne parle pas du personnel mais de ressources humaines. Les salariés ne sont plus que des tas informes, anonymes, connus des services de paie grâce à leur identifiant. Faire des économies passe d'ailleurs par une réduction de la masse salariale, c'est tout dire.
Entre des mains méprisantes, l'aptitude, qui est une disposition naturelle, acquise ou fonctionnelle, une qualification, une appréciation, peut se transformer en couperet. N'est-ce pas, par exemple, la médecine du travail qui décide qui est apte ou non ?
La capacité.
Si les dictionnaires expliquent en premier lieu que la capacité est l'aptitude d'un objet quelconque à contenir une quantité, un volume de matière ou d'énergie pouvant y être stocké, ce n'est pas innocent. On parlera de la capacité d'une citerne, d'un tonneau, d'une bouteille mais également, au sens figuré cette fois, d'un esprit ou d'un caractère : une aptitude à con-tenir ou recevoir.
Au sens propre, le mot capacité désigne le fait d'être capable, d'avoir l'aptitude pour réaliser une tâche particulière dans un certain domaine. Exemple : il a une grande capacité de travail (ou de nuisance).
Dans un registre plus concret, la capacité désigne une quantité théorique maximum de matière, d'information ou autre contenu qu'une entité peut contenir.
La capacité représente des possibilités de réussite dans l'exercice d'une profession.
La connaissance.
Action, fait de comprendre, de connaître les propriétés, les caractéristiques, les traits spécifiques de quelque chose. Opération par laquelle l'esprit humain procède à l'analyse d'un objet, d'une réalité et en définit la nature. Ensemble des domaines où s'exerce l'activité d'apprendre.
La compétence désigne la capacité d’un individu à réaliser de façon satisfaisante une tâche déterminée. Dans le cadre professionnel, la compétence est considérée comme un ensemble d’aptitudes et de talents, de traits de personnalités et de connaissances acquises pour mener à bien les tâches assignées à un individu. Dans cette perspective, la connaissance est un sous-élément de la compétence, au même titre que les attitudes et les aptitudes. Les attitudes désignent les comportements que l’individu adopte en fonction des circonstances tandis que les aptitudes indiquent les talents ou encore les dispositions naturelles d’un individu. L’ensemble de ces éléments détermine la compétence ou l’incompétence d’une personne dans une activité ou une tâche spécifique.
Savoir et savoir-faire.
Le savoir est une donnée, un concept, une procédure ou une méthode qui existe à un temps donné et qui est généralement codifié dans des ouvrages de référence. Le savoir ne peut pas se confondre avec un ensemble de connaissances.
L’acquisition d’un savoir suppose un processus continu d’assimilation et d’organisation de connaissances par le sujet concerné. Ce qui s’oppose à une simple accumulation.
Le savoir-faire est la pratique aisée d'un art, d'une discipline, d'une profession, d'une activité suivie, une habileté manu-elle et/ou intellectuelle acquise par l'expérience, par l'apprentissage, dans un domaine déterminé. C'est également la qualité d'une personne qui manifeste de l'habileté à réussir ce qu'elle entreprend, dans divers domaines, surtout pratiques: affaires, relations, vie sociale.
L'expérience.
Expérience : fait de faire quelque chose ou de vivre un événement considéré du point de vue de son aspect formateur.
Pour acquérir des compétences, il faut plusieurs éléments : des connaissances, une capacité à apprendre, à se remettre en question, de l'expérience.
Acquérir de l’expérience, c’est accepter que le vécu soit un vrai principe de connaissance, même si dans nombre de cas nous pensons et agissons en fonctions de principes que nous n’avons pas nous-mêmes vécus. Nous pouvons en effet prendre nos décisions en fonction d’a-priori plus ou moins élaborés, ou en prenant pour acquises des assertions qui nous viennent des autres ; mais encore est-ce par induction que nous validons, ces assertions, nous appuyant sur la notion de confiance ou d'autorité.


Les compétences comportementales.
Les 3 déterminants de la conduite : les aptitudes, elles dé-terminent ce que la personne peut faire ; les motivations, elles déterminent ce que la personne veut faire ; la personnalité, elle détermine la manière dont la personne se comporte dans des situations données.
Mystérieusement, il n'est pas question du comportement de la personne avec les autres, que ce soit avec ses collègues, les clients potentiels ou la hiérarchie. Un technicien peut être un génie de l'informatique, un prodige dans la résolution des dé-rangements et un expert dans les domaines de pointe, sa sou-mission aux ordres de sa hiérarchie, même les plus crétins, a un poids bien plus important. Il est des carrières qui peuvent ne jamais évoluer voire régresser. Donner des conseils utiles à des cadres qui en ont parfois un besoin impérieux n'est pas une bonne idée même si ça peut faire évoluer l'entreprise.
Compétences techniques.
On définit les compétences techniques comme des compétences concrètes, qui s’enseignent et sont nécessaires pour obtenir et conserver un emploi sur le marché du travail.
Que demande-t-on à un technicien de la DSEM ? Qu'il sache réparer les matériels des établissements postaux qui sont dans son périmètre. Le détail des compétences requises figure dans la fiche de poste. Or, nous sommes en France, le pays qui a fait la révolution pour se libérer des vieilles coutumes féodales et les choses ne sont pas simples. Il n'y a donc pas une seule fiche de poste, il y en a une par catégorie et par grade. Pour semer la zizanie dans une équipe, ou pour diviser pour mieux régner, c'est pareil, vous prenez deux techniciens qui font réellement le même travail, vous leur attribuez des grades sensiblement différents (un II,2 et un II,3) vous obtenez une atmosphère typique DSEM.
Compétences managériales.
« Une entreprise dans laquelle il n'y a pas d'ordre est incapable de survivre mais une entreprise sans désordre est incapable d'évoluer. »
A partir du moment où un manager doit faire face à des êtres humains avant de s'occuper des tâches à accomplir, il faut qu'il ait une solide expérience, un capital sympathie (la tyran-nie ne fonctionne qu'un temps fort réduit), de la rigueur et un sens aigu de l'organisation. Il n'y a que peu de place pour l'amateurisme ou l'approximatif. Malheureusement, tous les managers ne répondent pas aux critères les plus essentiels et de graves erreurs sont commises.
« Sept choses distinguent le sage du niais : le sage ne prend pas la parole en présence d’un homme qui le surpasse en science ; il n’interrompt jamais celui qui parle ; il ne répond pas avec précipitation ; il interroge avec méthode et répond avec justesse ; il discute les questions en suivant l’ordre dans lequel elles lui ont été adressées ; quand il ne comprend pas une chose, il l’avoue franchement et, surtout, il rend hommage à la vérité. Le niais fait le contraire de tout cela. »


La hiérarchie.
« La hiérarchie est un concept que des imbéciles ont inventé pour écraser de leur ignorance et de leur mépris ceux qui savent. »
On peut considérer que la société a séparé l'humanité en deux camps : d'un côté, on trouvera les maîtres, les décideurs, les patrons, les puissants ; de l'autre, les esclaves, les collaborateurs, les ouvriers et autres salariés, les pauvres. Tout ce beau monde est réparti dans une pyramide à degrés : plus on grimpe les échelons plus le pouvoir est grand. C'est du moins ce que pensent tous ceux qui peuples l'espace intermédiaire.
Normalement, la communication va dans les deux sens : les ordres viennent d'en-haut et les problèmes remontent. C'est ce qu'on appelle un dialogue, sauf que c'est un dialogue de sourds. Pour figer la structure de façon définitive, la voie hiérarchique doit passer par des grades qui sont des obstacles in-franchissable eu dialogue social.
Grades et compétences.
« La grande trouvaille de l'armée, c'est qu'elle est la seule à avoir compris que la compétence ne se lit pas sur le visage. Elle a donc inventé les grades. »
Nombreux sont les chefaillons de Prisunic qui pensent que parce qu'ils ont un grade, ils sont supérieurs à ceux qu'ils en-cadrent. Tout le monde connaît les dix commandements du chef qui commencent par « le chef a toujours raison ». Il n'y a que les chefs pour les prendre au sérieux. On ne devrait pas parler de grade mais de distinction puisque le manager est l'animateur d'une équipe dont il fait lui-même partie. Dans l'idéal, le chef d'équipe devrait être élu : un chef n'est chef que s'il est reconnu comme tel.
Les chefs ont aussi la fâcheuse manie de mesurer la compétence de leurs collaborateurs en fonction de leur grade. Ils se trompent lourdement mais c'est le seul argument qui leur permettent de croire qu'ils ont un quelconque pouvoir.
Polyvalence et multi-compétence ou comment diluer le savoir-faire dans un océan de chiffres absurdes.
Depuis plusieurs années, les managers de la DSEM n'ont plus qu'un seul mot d'ordre pour combler les défaillances du métier technique postal : la polyvalence. Ce mot n'est plus seulement un recours, une possibilité ou une pratique transitoire, c'est littéralement (et littérairement) devenu la panacée universelle, la solution magique et ultime à tous les problèmes qu'on ne souhaite pas résoudre logiquement (par la pro-motion, le recrutement de nouveaux techniciens etc...)
Les cadres de la DSEM, comme c'est souvent le cas malheureusement, se sont emparés d'un concept à la mode quelque part ailleurs pour en appliquer des principes qui n'ont que fort peu de rapport avec l'idée originale. Alors que la polyvalence consiste en une qualification poussée dans deux voire trois domaines des ouvriers d'une équipe, la DSEM a compris les choses de travers : les techniciens doivent pouvoir intervenir sur toute sorte de dérangement. Il leur est donc demandé de faire du bricolage, du rafistolage plutôt que de la maintenance. Un hiérarque reprochait, il y a quelques années, aux techniciens de faire de la maintenance de luxe, les techniciens, à leur tour, peuvent leur reprocher de faire une maintenance au rabais.


« Un chef, c'est un type qui a une mentalité d'employé mais qui ne veut pas le rester. »
(Michel Colucci, dit Coluche)
Incompétence, décryptage.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'incompétence n'est pas seulement le contraire de compétence. L'incompétence est un état d'esprit, une disposition mentale pour le désordre, le bâclé, le superficiel et les ratages. L'incompétence est la maladresse devenue palpable, la manifestation concrète de l'étourderie, une absence totale de savoir-faire. L'incompétence n'admet pas la demie mesure. Un individu peut avoir des compétences en informatique, en physique mais pas en grammaire, s'il est incompétent, c'est en totalité. L'incompétence ne s'emploie qu'au singulier mais ses conséquences sont plurielles
Comment reconnaître l'incompétence ?
L'incompétent peut déléguer à l'excès ou tout garder sous sa coupe. Dans les deux cas, c'est une véritable calamité. Il brasse de l'air, fait du bruit, occupe l'espace. Il est toujours occupé. On ne peut pas lui parler et il ne répond pas. Il marche vite et a toujours l'air préoccupé. Il attribue ses erreurs aux autres. L'erreur n'est humaine que dans la mesure où on peut la transférer à autrui. Même dans la débâcle, l'incompétent prétend qu'il avait tout prévu. Les preuves sont quelque part sur son bureau. Agréable et servile avec ses supérieurs, il aime humilier ses subordonnés, surtout ceux qui l'ont démasqué. Il passe son temps à rappeler qu'il est le N+1 et que ses subordonnés sont sous ses ordres. Quand il rate une mission, il prétend ne pas savoir. Il ne communique que par Post-it, e-mails et notes de service remplies de fautes d'orthographe. Il évite les face à face. Il s'efforce toujours d'avoir le dernier mot en réunion.
D'où vient l'incompétence ?
L'incompétent n'a pas du tout conscience de sa nullité. Il avait peut-être toutes les qualités requises pour occuper le poste mais, une fois devant le fait accompli, quand il a fallu organiser, prendre des décisions ou superviser les activités des techniciens, sa nullité a pris sa vraie dimension. Or, le système est conçu de telle façon qu'un incompétent ne reconnaîtra jamais son incompétence : les choses finissent toujours par se faire, en retard, certes, mais sans lui. Pour faire illusion, il sera toujours submergé de travail, parlera des heures au téléphone avec des gens comme lui, incompétents et confrontés à une même situation. Il jouera au casse-brique avec les cases du planning qui ne sera jamais, par voie de conséquence, à jour ou fiable.
L'incompétent est persuadé qu'il fait son travail comme il faut même si tous ceux qui en subissent les conséquences quotidiennement lui font part de leurs remarques et observations. Sa principale défense est la suivante : « C'est moi le cadre, c'est moi qui décide ! » Et bien souvent, les choses se décident sans lui et se font sans ses consignes.
Comment créer de l'incompétence ?
Un manager qui place toute sa confiance dans sa propre incompétence ne sèmera autour de lui que de l'incompétence de la manière la plus simple qui soit. Il sera exigeant mais à l'excès : il voudra boucler les projets avant qu'ils n'aient commencé en fixant des objectifs insensés. Il n'admettra pas les erreurs, les retards, les prétextes et aura sa petite crise d'autorité quand il ne pourra avoir le dessus. Il sera obsédé par les chiffres, les résultats, ses indicateurs et ne fera confiance qu'en ses propres calculs. Il choisira de confier la gestion de projets importants à des collaborateurs qui n'ont pas les connaissances requises et évincera ceux qui en ont une bonne maîtrise sous des prétextes fallacieux (grade insuffisant, vengeance personnelle). Il laissera s'installer un climat de suspicion dans son équipe, attisera les jalousies des uns, les rancœurs des autres. Il n'écoutera pas les conseils et imposera son propre point de vue.
L'évaluation des compétences.
L'évaluation des compétences de chaque salarié permet à la DRH de préparer les perspectives de carrière de ses collaborateurs. Elle a souvent lieu chaque année et s'effectue aussi bien dans les PME que dans les plus grosses entreprises.
L'évaluation des compétences n'est pas simplement le fait de faire juger ses compétences professionnelles au sein d'une entreprise, c'est aussi la reconnaissance des performances, la perspective d'une évolution de carrière. Elle aide aussi le ma-nager à déterminer le plan de formation et les rémunérations de chaque collaborateur.
L'évolution de carrière.
L'incompétence a autant d'influence dans le déroulement d'une carrière que la compétence. Pour se débarrasser d'un incapable, la meilleure solution reste la promotion (autrefois on parlait de limogeage). Contrairement à ce que beaucoup de salariés croient, la compétence n'est pas un vecteur d'évolution. Certains managers prennent un malin plaisir à faire stagner la carrière de ceux qui ont des prétentions trop affichées. Si les tâches accomplies justifient une évolution, la méthode la plus courante pour ne pas satisfaire le méritant consiste à confier lesdites tâches à quelqu'un d'autre.


Conclusion.
Pour exercer un métier, il faut des connaissances de base. Ces connaissances sont amenées à évoluer, se transformer et servir à votre déroulement de carrière (théoriquement). Normalement, rien n'est figé et selon le principe de l'évolution, les choses sont supposées s'améliorer. Pourquoi, dans ce cas, loin de progresser, certains parcours ont tendance à se retourner et à s'inverser ? Peut-on invoquer les principes de Peter, de Dilbert ou de quelqu'un d'autre pour expliquer le phénomène ? Non, le fond de l'air est bête et le monde du travail optimisé…
Au sommaire du prochain numéro.
Vous aurez la preuve que le Directeur de Territoire de Haute Normandie n'est pas un prodige de l’accordéon contrairement à ce qu'on peut trouver sur internet. On vous apportera tous les éléments qui vous feront regretter que l'accordéon ne soit effectivement pas son dada. Une souscription sera ouverte pour l'achat d'un instrument d'occasion chez le luthier du centre ville.