jeudi 24 mars 2016

Rue Mustel, journal d'un technicien de la DSEM: numéro 4.

« Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement et se comprend de travers »
Prologue, ouverture, introduction, prolégomènes ou tout ce qu'on voudra (ou pas).
De nombreux managers pensent que le monde moderne divise les individus en deux catégories : ceux qui commandent et ceux qui ne commandent pas. Tous les managers pensent qu'ils appartiennent à la catégorie qui commande. Quelques uns sont toutefois assez lucides pour estimer qu'ils ne commandent rien ou si peu. Ils se divisent en deux parts inégales : ceux qui s’accommodent de cette situation et qui la vivent parfaitement, et ceux qui ne supportent pas de ne rien commander et qui s'inventent des domaines où ils s'en octroient le pouvoir. Et pour ce qui est de commander, ça commande ! Leurs domaines de prédilection sont les broutilles, les mesquineries, les enfantillages, les crises d'autorité puériles, l'interprétation stupide des textes qui ne prêtent nullement à confusion, les colères intempestives et injustifiées, les bouderies, l'expression d'une rancune parfaitement déplacée et une mauvaise foi manifeste quand ils rencontrent une indéniable vérité. Leur pouvoir a beau être infime, ils l'exercent quand même avec une force tapageuse.
« Il y a deux sortes de chefs d'orchestre : ceux qui ont la partition dans la tête et ceux qui ont la tête dans la partition. »
Qu'y-t-il dans la tête d'un chef ?
Traditionnellement, tous les légistes le disent, l'intérieur de la tête des êtres humains peut être occupé par trois choses différentes : un cerveau, du yaourt ou du vent, autrement dit, rien. La fonction sociale, dynastique ou professionnelle de l'être humain n'a aucune importance dans la physiologie : qu'il soit homme politique, artiste, manager, gardien de zoo ou technicien, seul l'un des trois éléments cités remplit l'intérieur de sa tête, ce qui a les conséquences suivantes.
La présence d'un cerveau est assez fréquente mais n'implique pas obligatoirement une forme d'intelligence. Toutes les personnes qui en sont équipées ne s'en servent pas toujours comme il le faudrait. Les scientifiques sont formels : le cerveau éteint se comporte comme du yaourt ou du vent. Il y a de plus une subtilité supplémentaire : certaines personnes munies d'un cerveau, l'ont inconsciemment éteint mais pensent quand même l'utiliser comme s'il était toujours en activité. Elles ont donc l'impression de raisonner et penser. Parfois même se sentent-elles supérieures aux autres, ce qui n'est pas le cas, vous vous en douterez.
La présence de yaourt dans la boîte crânienne est une analogie, une image, une litote. Personne n'a été à ce jour formellement identifié comme ayant du yaourt à la place du cerveau même si des fois on pourrait le croire. L'expression signifie simplement que le cerveau est éteint et qu'il ne sert pas ou fort peu. Dans ce cas, seules les fonctions basiques, très basiques, sont utilisées, et encore, à mauvais escient.
La présence de vent ou d'air à la place du cerveau est également une façon de parler. Dans ce cas, le cerveau n'est pas seulement éteint, il est atrophié et comme étouffé par des confusions mentales et sociales absurdes qui fausseront le jugement de la personne incriminée. Les dictateurs, les faux prophètes, ce qu'on désigne par « cons » et certains politiques sont atteints de ce syndrome.
« Le chef du troupeau est un animal comme les autres. »
Qu'est-ce qu'un chef ?
La première condition pour être un chef est sûrement de vouloir l’être, d’en assumer les responsabilités et la solitude. La seconde condition qui détermine la valeur d’un chef est sa capacité à se mettre lui-même au service d’une cause ou d’un intérêt commun plus grands que sa personne. Enfin, un charisme indéfinissable caractérise le grand chef, un don d’autorité et de commandement qui fait grandir ceux qu’il dirige, les révèle à eux-mêmes et contribue à les rendre meilleurs. De tels conducteurs d’hommes attirent l’admiration et forcent le respect mais il faut bien reconnaître qu’ils sont rares.
Un chef n'est chef que s'il est considéré comme tel par ses subordonnés. Il sait déléguer, reconnaître les mérites de chacun, motiver ses équipes et assurer un arbitrage clair et objectif dans la gestion des projets. Il doit être humain, à l'écoute de tous, impartial et compréhensif. Il doit connaître les règles qu'il doit faire appliquer et en user avec souplesse.
« On réussit rarement contre son patron ; on peut en revanche réussir sans lui. »
Qu'est-ce qu'un chef n'est pas ?
On rencontre plus couramment des petits chefs qui aspirent à l’exercice de pouvoirs trop grands pour eux. Ils ont des statuts de chefs, des pouvoirs légaux, mais ils sont dépourvus de vision, du don de commandement et ne bénéficient ni de la confiance ni de l’estime de ceux qu’ils dirigent. Ils sont vaniteux et abusent de leurs pouvoirs en cherchant à obte­nir des avancements par la contrainte, l’intimidation et la manipulation. »
L’identification du chef charismatique au père de famille est à l’origine de cette autorité perçue de façon négative que l’on appelle le paternalisme, parce qu’elle confond l’exercice du pouvoir et une protec­tion infantilisante, en traitant ses sujets comme des enfants, les écrasant au lieu de les faire grandir. Pire encore, il y a ceux qui écrasent et méprisent volontairement sans finesse ceux qu'ils dirigent.
Page spéciale « entretien d'évaluation. ».
« Entretien : Action d'échanger des propos avec une ou plusieurs personnes; conversation suivie sur un sujet. Évaluation : action d'évaluer, d'apprécier la valeur d'un individu, d'une chose. »
Voici venu le temps des rires et des chants, des courbettes, des politesses et des hypocrisies. Le soleil de printemps amène avec lui les notations, les entretiens d'évaluation, bref : l'aboutissement des efforts de l'année passée. Pour la plupart des techniciens, c'est une période qui compte beaucoup, et ce n'est pas qu'une image : de la notation est issu le montant de la part variable, sorte de prime au mérite annuelle versée aux agents d'un grade équivalent ou supérieur à celui de II,3. Le personnel situé en-dessous de cette frontière absurde peut travailler, dépasser ses objectifs, les pulvériser, battre des records ou ne rien faire du tout, cela n'a guère d'importance. Il reste encore de ces gens-là, j'en fais partie. Pour ma part, je ne vais pas me plaindre ou me lamenter par avance sur les résultats de l'année passée puisque j'étais en arrêt de travail en 2015. Mais voir défiler mes collègues, un par un, avec une mine de circonstance, dans le bureau du cadre m'amuse déjà.
L'entretien d'évaluation en vrai.
« L'entretien d'évaluation est un entretien qui a pour but de fixer des objectifs à atteindre au personnel pour une période déterminée, et leur évaluation pour le passé, en fonction de l'ensemble des priorités, des connaissances, de l'expérience et des comportements et aptitudes. »
Pour que l’entretien annuel d'évaluation soit bénéfique, il convient de l’aborder de façon la plus professionnelle possible. Il est conseillé de se présenter après l'avoir préparé en détail.
Cette préparation, essentielle, comporte 6 grandes étapes :
  1. Dresser un bilan de l'année écoulée (bilan global sur les réalisations en lien avec ses objectifs),
  2. Lister les principales réussites et les difficultés,
  3. Faire le point sur les compétences (maîtrise et efficacité prouvée dans telle ou telle tâche),
  4. Identifier et lister les points d’amélioration (faire preuve d'objectivité montrera votre lucidité, preuve d'une faculté de remise en question),
  5. Cibler des formations potentielles (en fonction des points d'amélioration, des domaines ou tâches qui posent problème),
  6. Définir un projet professionnel à court et moyen terme (évolution au sein de l'entreprise, responsabilités nouvelles.).
Pendant l'entretien, il est recommandé d'adopter une attitude positive et ouverte au dialogue, de se montrer force de proposition et penser « solution », de répondre aux reproches de façon constructive et d'éviter les attitudes extrêmes. Tout cela, bien sûr avec honnêteté de la part de l'évaluateur et de l'évalué. Cela, c'est ce qui se passe dans la théorie.
« La politique, c'est l'art de chercher les problèmes, de les trouver, de les sous-évaluer et ensuite d'appliquer de manière inadéquate les mauvais remèdes. »
La moulinette DSEM.
Qu'il y ait au final une prime ou non, un système évolué de points abordés détermine une note délivrée sous forme de lettre (E, B, C, A) qui correspondent, en gros à excellent, bien, bof et nul. Tout le monde ne peut pas être excellent, cela tombe sous le sens. Donc, pour calculer le ratio, la direction a mis en place, mais ce n'est pas officiel, des quotas. Les techniciens sont ainsi séparés en deux catégories : l'élite et les autres. Vous ajoutez un montant calculé en euro pour une hypothétique part variable, vous obtenez une ambiance de suspicion, de jalousie, d'envie et de convoitise, des sentiments pourtant condamnés par l’Église Catholique depuis des siècles. La société libérale et capitaliste, elle, les encourage : elle appelle ça compétitivité, un de ces concepts vicieux dont elle raffole.
La hiérarchie n'hésite pas à diffuser des plaquettes publicitaires pour convaincre les agents de l'impartialité des entretiens d'évaluation. Mais vous mettez dans un chaudron le travail d'un agent sur toute une année, des données statistiques issues d'un système d'information qui ne sait faire que recracher des chiffres, un cadre qui profite parfois de cette occasion pour vous attendre au tournant et quelques vieilles rancunes que vous croyiez oubliées, vous obtenez une bombe à retardement qui peut vous péter à la figure sans prévenir. D'où l'observation de comportements curieux de la part de certains techniciens qui, à l'approche de cet événement adaptent leur ligne de conduite pour ne pas attirer l'attention sur ce qui pourrait nuire à leur carrière. Celle qui ne mène nulle-part.
« Parvenu à son grade à coups de rengagements, de larmoiements et de platitudes, il promenait à travers la vie l'âpre conscience de sa non-valeur et sa sourde rancune d'idiot. » (Georges Courteline)
Grade et compétence ou comment la magie règle les problèmes en ce XXIème siècle.
Le titre de cet article risque de faire sourire. En effet, comment mêler dans une même phrase, sans déclencher des huées compréhensibles, les termes de grade, qui est un positionnement dans une chaîne hiérarchique, de compétence, qui correspond à un niveau de connaissance et de savoir-faire, et de magie, qui nous ramène au Moyen-Age, à l'école des sorciers de Harry Potter, voire dans les contes à dormir debout de notre enfance. La magie est encore utilisée pour régler des problèmes réglementaires à l'instar du nombre imaginaire des mathématiciens (pour rappel : i au carré est égal à -1). Cet exemple sera plus parlant. Prenons un technicien que nous appellerons P. Il possède un certain nombre de connaissances, a suivi quelques formations, a géré des projets stratégiques par le passé mais a le défaut d'être II,2. On ne peut donc pas lui faire confiance (juste l'envoyer à la médecine du travail pour déficience mentale). Supposons que monsieur P soit nommé II,3 par une notification quelconque. Ses compétences, connaissances, savoir-faire et tout le package sont les mêmes : ils n'ont pas progressé pendant le nuit. Pourtant, désormais, on peut lui confier des études, des projets et des tâches gratifiantes. Si ça ce n'est pas recourir à la magie, comment l'expliquer ?
« C'est lorsque vous voulez raccorder un ordinateur au réseau local que vous vous rendez compte que la prise est beaucoup trop loin. »
Page spéciale « Qu'est-ce que le réseau ? »
Le réseau se définit comme une trame ou une structure composée d'éléments ou de points, souvent qualifiés de nœuds ou de sommets, reliés entre eux par des liens ou liaisons, assurant leur interconnexion ou leur interaction et dont les variations obéissent à certaines règles de fonctionnement. Le réseau peut être matériel comme le réseau électrique, le réseau routier, le réseau sanguin ou le réseau lymphatique, immatériel comme le réseau social, abstrait, symbolique ou normalisé comme le réseau de tâches des méthodes d'analyse (PERT, Merise, pour ne citer qu'elles). A la Poste, comme dans de nombreuses autres entreprises, le réseau permet de relier tous les ordinateurs entre eux et de leur permettre l'échange de fichiers ou de données en interne comme vers l'extérieur. Pour beaucoup, le réseau se réduit à des câbles qui pendouillent, des prises défectueuses, du Wi-fi qui ne fonctionne pas, de l'ADSL qui bagote, des box qui grillent ou des tablettes, smartphones qui ne captent ni la 3G, ni la 4G. Il y a tellement de raisons pour lesquelles le réseau pose des problèmes de fonctionnement que personne n'y pense lorsque tout va bien. Il est vrai que désormais tout est réseau : les Facebook, Twitter, Instagram ou Flickr qui permettent à des familles, des amis ou de simples connaissances de se retrouver et d'échanger photos, messages ou nouvelles. Même le terrorisme est organisé en réseau : il n'y a qu'à regarder n'importe quel journal télévisé pour s'en rendre compte. Mais derrière ce mot, il y a des gens, parlons-en donc un peu.
« N’en appelez jamais à la « bonne nature » d’un homme. Il peut ne pas en avoir. Invoquer son égoïsme vous donne plus d’influence. »
Histoire du réseau à la DSEM.
Le réseau de la Poste a commencé avec Muse (pour Multi Service). Il utilisait un protocole de dialogue (le X25) devenu aujourd'hui obsolète mais avait le mérite de relier les équipements informatiques : depuis les ordinateurs des guichets jusqu'aux distributeurs de billets. Le réseau était le domaine réservé d'un technicien qui avait la réputation de ne diffuser aucune information. Personne n'y vit d'inconvénient jusqu'au jour où il tomba malade et qu'il n'y eut plus personne pour s'en occuper. Je fus donc désigné (moi, monsieur P) pour prendre la relève.
Je me suis donc retrouvé dans un service avec un collègue qui venait des Chèques Postaux et qui était à deux ans de la retraite (Jean-Pierre, si jamais tu me lis, je te salue) pour reprendre un flambeau au pied levé. Je l'ai repris, avec J-P d'abord puis sans lui, une fois sa retraite gagnée, j'ai connu la transformation du réseau avec le passage sur IP de tous les équipements en compagnie d'un jeune et efficace technicien aujourd'hui à l'ATM 59. Le dernier changement en date fut le déploiement massif de routeurs ADSL qui a fait économiser des centaines de milliers d'euros à la Poste.
Les hiérarques se sont succédé à la tête de l'ATM, de plus en plus méprisants et petits à petit, comme le protocole X25 des débuts, je fus mis au rebut. Le réseau existe toujours mais sans moi désormais.
« Lorsqu'un technicien recherche une panne réseau, il accuse toujours son prédécesseur dès qu'il la trouve. »
« Le mythe de l'étente à linge. »
Il y a quelques années, un technicien connu pour avoir une grande gueule et mettre l'ambiance générale à feu et à sang, avait inventé le mythe de l'étente à linge. Pour lui, le réseau ne se résumait qu'à des câbles qui pendouillaient de façon disgracieuse. Puis, par extension, tout travail accompli par mes soins, que ce soit avec des câbles ou sans, tous domaines confondus, tombait sous le couperet de ce mythe. Il en était même arrivé à me reprocher vertement (et je pèse mes mots) des travaux de sagouins dans des bureaux où je n'avais jamais mis les pieds. Ce technicien est heureusement parti couler des jours heureux dans une retraite qui a fait du bien à l'ensemble du personnel. L'ambiance générale s'en est ressentie dès le lendemain. Mais les mythes les plus stupides ont la vie dure. Il en est pour continuer à les colporter.
Un jeune technicien qui porte le même nom qu'un roi de Macédoine très connu pour avoir conquis une bonne partie du bassin méditerranéen a remis le mythe de l'étente à linge au goût du jour mais comme le barde des aventures d'Astérix, il chante faux et il a la mémoire courte. Ce brave petit peut dire ce que bon lui semble, je ne lui en veux pas : il ne fait que sacrifier à une mode fort connue dans la société humaine, le dénigrement du travail d'autrui. Comme disait un auteur du grand siècle ; « la critique est aisée mais l'art est difficile. »
« Si vous recueillez et aidez un chien affamé, il ne vous mordra pas. C’est la principale différence entre l’homme et le chien. »
Leçon de morale : « tu cracheras sur ton prochain. »
La nature humaine est une chose fascinante, une source inépuisable de médiocrités aussi diverses que variées. Tout le monde connaît quelqu'un qui pense qu'il est le seul à bosser et que tous les autres se la coulent douce. Quelqu'un qui est persuadé que ailleurs les choses sont plus belles, l'herbe plus verte, le travail plus gratifiant et les salaires meilleurs. Quelqu'un qui s'imagine que les choses allaient bien mieux avant, sans préciser ce à quoi correspond ce avant. Quelqu'un qui laisse entendre que les conneries et autres boulettes sont commises directement par son entourage, peut-être vous ou même moi. Bref, un vantard avec l'esprit de Caliméro. Une autre manie du genre humain est d'avoir deux discours à propos de certains collègues : l'un en leur présence, l'autre derrière leur dos. Les contenus ne sont pas du tout les mêmes, vous vous en doutez. Par exemple, on dira devant un technicien qu'il a fait partie du service réseau et derrière qu'il y a fait un boulot de merde. Pour accentuer le côté grotesque, façon vaudeville, sans doute pour exprimer de façon biscornue une sorte de reconnaissance, celui qui proférera ces traits d'esprit aura fait partie lui aussi du réseau et se sera arrangé pour dépouiller celui qu'il dénigre de ses activités pour les reprendre à son compte. Moralité : il existe une manière de dire en bien énormément de mal de son prochain.
« Machination. Méthode employée par un adversaire pour faire échouer nos propres honorables efforts vers un objectif clair et estimable. »
Bluette technique.
Comme tous les ans, lors des entretiens d'évaluation, notre N+1 (cette équation qui n'a pas de résultat : on ne dit jamais N+1=quelque chose, ou rien) se creuse la cervelle, fouille dans les circonvolutions de sa boîte crânienne ou s'essore les méninges pour débusquer parmi les idées farfelues qui peuplent son univers de cadre technique quelques objectifs qui correspondent à quelque chose de réalisable. La tâche n'est pas facile, croyez-moi, j'ai assisté à une séance de brainstorming en direct et j'ai cru que la machine allait se gripper ou s'emballer. On a frôlé le ridicule à quelques angströms près. Atteindre des objectifs, c'est bien ; mais les dépasser, c'est mieux. C'est ce qu'on nous chante depuis des années. Mais comment voulez-vous dépasser des objectifs en réparant des machines en panne ? Vous en dépannez plus qu'il n'y en a ? Pensez au cas du croque-mort à qui on demanderait la même chose : doit-il tuer des gens pour gonfler ses chiffres ? Non ! Dans les métiers techniques, c'est pareil. Il n'y a guère que dans les déploiements que la chose est possible encore que cela ne concerne que le manager. C'est quand même lui qui donne le travail : ce sont donc ses propres objectifs. Il y a une subtilité supplémentaire pour un technicien II,2 : qu'il réalise ou non ses objectifs, qu'il les dépasse, les pulvérise ou qu'il s'en moque éperdument, le résultat sera le même : pas de part variable à la clé. Autant rester zen, non ?
« Si à la Saint Gaston, les gens sont cons, à la Saint Victor, ils le seront encore. »
La météo des services.
La volonté de notre chef a toujours été de casser le principe de services et de faire de la polyvalence l'instrument qui lui permettrait de parvenir à ses fins. Pourtant, depuis que la maintenance est arrivée rue Mustel, force est d'avouer que son projet, aussi louable soit-il au départ, est un fiasco complet. En effet, les techniciens sont séparés sur deux étages et dans trois locaux bien distincts. Le cloisonnement est encore plus prononcé qu'avant, le dialogue tend même à complètement disparaître et pire encore, le Directeur de Territoire, qui combattait le principe, semble s'en accommoder. Pour preuve, nos collègues informaticiens, logés dans un espace à part, ont leur propre cafetière, chose qui aurait été inconcevable lorsque nous étions encore rue Nétien. Puis il y a une pièce, perdue au tréfonds des bâtiments, à fond de cale, pourrait-on dire, dans laquelle on a flanqué les deux personnages dont on ne savait que faire. La pièce en question est assez vaste, encore heureux, mais elle est éclairée par deux fenêtres, des soupiraux devrais-je dire, avec vue sur le ciel. Les deux vilains techniciens qui y errent sont-ils voués, le regard vers des cieux que l'immeuble voisin occulte en partie, à attendre une divine apparition ? Même la 3G a du mal à passer : les synchronisations de l'application Touareg se font deux fois sur trois et encore, avec bien du mal. Seul le téléphone parvient encore à sonner quand on a besoin d'eux.
« Le rassemblement des citoyens dans des organisations, mouvements, associations, syndicats est une condition nécessaire au fonctionnement de toute société civilisée bien structurée. »
Le chef et les syndicats.
Rue Mustel, le Directeur de Territoire n'aime pas les syndicats, les syndiqués non plus, surtout ceux qui osent opposer à ses discours souvent approximatifs un avis contraire. Mystérieusement, les techniciens qui correspondent à ce profil sont dans le filtre anti-spams de son client de messagerie, ou, si ce n'est pas le cas, ça y ressemble drôlement. Trois techniciens, d'un même syndicat, font l'objet d'une campagne sournoise de dénigrement. Ils osent pointer du doigt les choses qui ne vont pas et ils défendent ceux qui vivent des situations difficiles. Un comble, en somme. Mais je voudrais dire que le syndicalisme n'est pas un obstacle ou un mur qu'on dresse entre la hiérarchie et les techniciens, même si parfois, la tentation est grande et les raisons de le faire parfaitement justifiées. Le syndicalisme est fait pour établir un dialogue, de préférence constructif, sur des bases saines, honnêtes et franches. Encore faut-il que les deux parties respectent ces règles élémentaires. Le Directeur de Territoire ne l'entend pas de cette oreille, de l'autre non plus. Il préfère jouer les victimes ou se plaindre. Si j'avais un mouchoir, je crois que je verserais une larmichette de compassion. Comment peut-on empêcher quelqu'un de faire n'importe quoi parce que ça l'arrange ? Les syndiqués ne sont vraiment pas drôles !
« Les portes de l'avenir sont ouvertes à ceux qui savent les pousser. »
Paralipomènes périphrastiques.
Il y a quelques expressions qui sont assez comiques ces derniers temps à la DSEM : avenir, carrière, projet professionnel ou perspective (de tout ce qu'on voudra). Consulter l'horoscope serait plus fiable que n'importe quel projet de réorganisation pour déterminer de quoi demain sera fait. L'évolution de carrière dont on nous parle sans rire lors des entretiens d'évaluation est une vaste farce : déjà passer de II,2 à II,3 est insurmontable, gravir l'Everest à cloche-pied serait plus aisé. Le pire c'est que nos managers s'imaginent qu'ils sont capables de nous faire gober de telles sornettes. Faut-il qu'ils soient naïfs ou complètement aveugles. Je vais essayer l'Himalaya, non ?
Sommaire du prochain numéro : autrement dit, ce que vous aurez peu de chance d'y lire.
Personne rue Mustel ne se soucie plus des aléas politiques de la Roumanie depuis que le technicien roumanophile est parti. Les dernières informations connues concernaient un possible retour du roi et l'établissement d'une monarchie constitutionnelle. Le sujet a beau être aussi intéressant que surprenant, il ne sera malheureusement pas abordé dans le prochain numéro. La rue Mustel n'y passe pas.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire